L'on peut désormais procéder à une dénonciation d'ordre fiscal concernant son voisin ou un proche contre rémunération. Le point sur la question.
Dénonciation de fraude fiscale : principes
La dénonciation de fraude fiscale correspond au fait d'adresser à l'administration fiscale des informations portant sur un tiers, visant à démontrer sa mauvaise foi et ses mensonges, au sujet de son imposition.
La pratique est connue. Pour autant, elle connaît des limites : l'anonymat de la personne qui procède à la dénonciation. En effet, il a été question de ce problème lors d'une question posée lors d'une séance du Sénat au ministre de l'Économie et des finances (publiée dans le JO Sénat 1er août 2013, p. 2234). En débat, il s'agissait de savoir si les dénonciateurs non anonymes étaient protégés par le fisc dans la mesure où la pratique actuelle interdirait l'usage des dénonciations anonymes. Ainsi, les dénonciations seraient seulement « dites anonymes » par abus de langage : en réalité pour être recevables, les informations devraient être déclarées en personne avec signature, le fisc se chargeant ensuite de protéger l'anonymat du délateur.
Le ministre avait répondu que les dénonciations anonymes, reçues par l'administration fiscale, ne sont jamais exploitées et ne font en conséquence pas l'objet d'un suivi spécifique ou d'une comptabilisation. Ainsi, sans répondre totalement à la question, il établissait le principe de rejet de la dénonciation anonyme.
En outre, le ministre avait très clairement précisé que dans l'hypothèse où des signalements parviennent à l'administration fiscale de façon non anonyme, l'information reçue ne retient l'attention de cette dernière que si elle porte à sa connaissance des faits graves et décrits avec précision.
Enfin, le ministre venait conforter le principe suivant lequel la dénonciation, à elle seule, est insuffisante. L'information pourrait, si elle est sérieuse, justifier un début d'enquête afin de vérifier la véracité des faits allégués, établir le procédé de fraude et les enjeux fiscaux : ce n'est qu'à l'issue de cette enquête que le contrôle fiscal pourrait être lancé. Ainsi, la dénonciation ne peut jamais, en tant que telle, fonder l'engagement d'une procédure de contrôle fiscal.
La loi de finances pour l'année 2017 est venue modifier ce régime.
La dénonciation contre rémunération – la loi de finances 2017
Conditions d'indemnisation
La loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 insère, par son article 109, de nouvelles dispositions au sujet de la dénonciation dans le livre des procédures fiscales.
Le texte prévoit les éléments suivants afin d'encourager les contribuables à la dénonciation des situations de fraude dont ils seraient témoins.
Depuis le 1er janvier 2017, le Gouvernement peut autoriser l'administration fiscale à indemniser toute personne qui lui fournirait des renseignements conduisant à la découverte d'un manquement d'un contribuable dans le cadre de ses diverses obligations fiscales déclaratives. Cette personne ne doit pas appartenir à l'Administration. L'indemnisation suppose bien entendu que la personne effectue la dénonciation de manière non anonyme. Le texte de loi nomme la rémunération « indemnisation » et précise que ses conditions et modalités sont déterminées par arrêté du ministre chargé du Budget.
Les informations reçues pourront alors être exploitées dans le cadre des procédures de contrôle de l'impôt. L'on suppose que ne sont pas remis en cause les principes suivant lesquels ces faits, s'ils sont graves et précis, peuvent conduire à ouvrir une enquête mais ne peuvent, à eux seuls, justifier d'un contrôle fiscal.
Enfin, et pour évaluer les effets de ce système, chaque année, le ministre chargé des Finances devra communiquer au Parlement un rapport sur l'application de ce dispositif d'indemnisation avec notamment le nombre de mises en œuvre de celui-ci et le montant des indemnisations versées.
Bon à savoir : cette mesure, initialement prévue à titre expérimental pour 2 ans, a été pérennisée par le décret n° 2019-459 du 15 mai 2019. Elle est aujourd'hui prévue aux articles L. 10-0 AC et R. 10-0 AC-1 du Livre des procédures fiscales.
À noter : le dispositif des « aviseurs fiscaux » permettant d'indemniser toute personne qui fournit des renseignements ayant conduit à la découverte de fraude fiscale ou de manquement, dès lors que le montant estimé des droits éludés est supérieur à 100 000 €, a été mis en place à titre expérimental. Il est reconduit jusqu'à fin 2023 par la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.
Montant de la rémunération
Le montant de l'indemnisation versée au dénonciateur est déterminé par le directeur général des Finances publiques après avoir pris connaissance de la proposition du directeur de la Direction nationale des enquêtes fiscales.
La proposition de rémunération formulée par ce dernier tient compte des montants estimés des impôts éludés via la fraude fiscale dénoncée.
La prime pour dénonciation est versée au dénonciateur par le comptable assignataire désigné par le ministre du Budget, uniquement si les agents de la Direction nationale des enquêtes fiscales constatent que les informations communiquées par le dénonciateur ont un intérêt fiscal pour l'État.
Bon à savoir : la direction nationale d'enquêtes fiscales conserve, en toute confidentialité, l'identité du dénonciateur ainsi que le montant et la date du versement de la rémunération pour dénonciation.